15/02/2012
Le poème de la semaine
Jean-Pierre Lemaire
Un chant d'oiseau découpe la fenêtreNotre lit s'éveille au milieu du jardinderrière les volets qui ne laissent passerde la vie que l'invisibleAu fond sur le murune échelle de lumièrerouge d'abord, puis dorée
Le long de l'échelleles musiciens anonymes du jourmontent et descendent
Crois-tu qu'avec la poésienous pourrions y monter nous aussi?
Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
06:11 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Littérature suisse, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
08/02/2012
Le poème de la semaine
Henri Pichette
la légèrecandidecapricieusetourbillonnanteouatéepoudreuseneige dont j'aimelalente lente chute par un jour de grisaille aux vapeurs violâtresou quelquefois même (je l'ai vu)par un ciel terre de Sienneellepapillonne blanc,plus blanc que les piérides blanchesqui volettent en avril comme fiévreusement,à moins que ce ne soit frileusementautourde rosescouleur d'âtre météorequi touche ma manche de ratine,y posant des cristaux à six branchessous mes yeux d'étincelles pluiedeplumesdemouettesmuettes recouvrant la plaine deshéritéeemmantelant la forêt squelettique épaisse assoupissante et ensevelissante blanche telleune belle absence de parole blanche autant qu'absoluedans un silence d'oeilqui rêve l'éternité blanche neige neigéetellement soleilléeque d'un blanc aveuglant,et brûlante! moelle de diamant neiges du Harfang aux iris jaune d'oret ventre blanc pur de la Panthère des neiges de quel oiseau fléché fuyant à travers cielce pointillé de sang sur la neige vierge? regardez, par-delàcette grille givréed'innocentes herminesdorment tout de leur longsur les bras des croix alors qu'à l'intérieur l'enfantle front appuyé à la vitrepour jouerfait de la buée,dehors chaque floconéclate une petite larmequi rouleen basdu carreauoù le mastic est vieux comme la maison Ettout là-bas(à l'heure de mon coeur qui bat tout bas)quelqu'uncontemplela rencontre de la neigefloconneuse, innombrableavec la merformidable, commede plomb,glauque Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
06:18 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
01/02/2012
Le poème de la semaine
Louis Aragon
C'est une chose étrange à la fin que le mondeUn jour je m'en irai sans en avoir tout ditCes moments de bonheur ces midis d'incendieLa nuit immense et noire aux déchirures blondes. Rien n'est si précieux peut-être qu'on le croitD'autres viennent. Ils ont le cœur que j'ai moi-mêmeIls savent toucher l'herbe et dire je vous aimeEt rêver dans le soir où s'éteignent des voix. D'autres qui referont comme moi le voyageD'autres qui souriront d'un enfant rencontréQui se retourneront pour leur nom murmuréD'autres qui lèveront les yeux vers les nuages. II y aura toujours un couple frémissantPour qui ce matin-là sera l'aube premièreII y aura toujours l'eau le vent la lumièreRien ne passe après tout si ce n'est le passant. C'est une chose au fond, que je ne puis comprendreCette peur de mourir que les gens ont en euxComme si ce n'était pas assez merveilleuxQue le ciel un moment nous ait paru si tendre. Oui je sais cela peut sembler court un momentNous sommes ainsi faits que la joie et la peineFuient comme un vin menteur de la coupe trop pleineEt la mer à nos soifs n'est qu'un commencement. Mais pourtant malgré tout malgré les temps farouchesLe sac lourd à l'échine et le cœur dévastéCet impossible choix d'être et d'avoir étéEt la douleur qui laisse une ride à la bouche. Malgré la guerre et l'injustice et l'insomnieOù l'on porte rongeant votre cœur ce renardL'amertume et Dieu sait si je l'ai pour ma partPorté comme un enfant volé toute ma vie. Malgré la méchanceté des gens et les riresQuand on trébuche et les monstrueuses raisonsQu'on vous oppose pour vous faire une prisonDe ce qu'on aime et de ce qu'on croit un martyre. Malgré les jours maudits qui sont des puits sans fondMalgré ces nuits sans fin à regarder la haineMalgré les ennemis les compagnons de chaînesMon Dieu mon Dieu qui ne savent pas ce qu'ils font. Malgré l'âge et lorsque soudain le cœur vous flancheL'entourage prêt à tout croire à donner tortIndifférent à cette chose qui vous mordSimple histoire de prendre sur vous sa revanche. La cruauté générale et les saloperiesQu'on vous jette on ne sait trop qui faisant écoleMalgré ce qu'on a pensé souffert les idées follesSans pouvoir soulager d'une injure ou d'un cri. Cet enfer Malgré tout cauchemars et blessuresLes séparations les deuils les camoufletsEt tout ce qu'on voulait pourtant ce qu'on voulaitDe toute sa croyance imbécile à l'azur. Malgré tout je vous dis que cette vie fut telleQu'à qui voudra m'entendre à qui je parle iciN'ayant plus sur la lèvre un seul mot que merciJe dirai malgré tout que cette vie fut belle. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
00:14 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Louis Aragon, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
25/01/2012
Le poème de la semaine
Vénus Khoury-Ghata
Parce qu'ils ont hésité entre la rose et l'ombreparce qu'ils ont chargé leurs fusils de pluieils sont morts d'oubli Ne meurent que les crédulesqui abritent sous leur toit des nuages étrangersécrivent leur visage sur la buée des villesétreignent un canonsuivent un grenadier Ne meurent que les naïfsqui saignent avec le coquelicot Ne meurent tous les soirsquand les heures s'alignentqu'elles deviennent couteauentre les lèvres des horlogesquand la lumière dans leur bouchese tait.Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
00:57 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
18/01/2012
Le poème de la semaine
Paul Claudel
pour Jean-Pierre O
Par les deux fenêtres qui sont en face de moi,les deux fenêtres qui sont à ma gauche,et les deux fenêtres qui sont à ma droite,je vois, j’entends d’une oreille et de l’autre tomber immensément la pluie. Je pense qu’il est un quart d’heure après midi :autour de moi, tout est lumière et eau.Je porte ma plume à l’encrier,et jouissant de la sécurité de mon emprisonnement, intérieur, aquatique,tel qu’un insecte dans le milieu d’une bulle d’air, j’écris ce poème. Ce n’est point de la bruine qui tombe,ce n’est point une pluie languissante et douteuse.La nue attrape de près la terre et descend sur elle serré et bourru,d’une attaque puissante et profonde.Qu’il fait frais, grenouilles, à oublier,dans l’épaisseur de l’herbe mouillée, la mare !Il n’est pas à craindre que la pluie cesse;cela est copieux, cela est satisfaisant.Altéré, mes frères, à qui cette très merveilleuse rasade ne suffirait pas.La terre a disparu, la maison baigne,les arbres submergés ruissellent,le fleuve lui-même qui termine mon horizoncomme une mer paraît noyé.Le temps ne me dure pas, et, tendant l’ouïe,non pas au déclenchement d’aucune heure,je médite le ton innombrable et neutre du psaume. Cependant la pluie vers la fin du jour s’interrompt,et tandis que la nue accumulée prépare un plus sombre assaut,telle qu’Iris du sommet du ciel fondait tout droit au cœur des batailles,une noire araignée s’arrête, la tête en baset suspendue par le derrière au milieu de la fenêtre que j’ai ouvertesur les feuillages et le Nord couleur de brou.Il ne fait plus clair, voici qu’il faut allumer.Je fais aux tempêtes la libation de cette goutte d’encre.Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
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14/01/2012
Morceaux choisis - Anna Akhmatova
Anna Akhmatova
N’essaie pas de me faire peurNe me parle pas du destin qui te menaceNi de la tristesse sans fin de ce pays. Voici notre première fêteEt cette fête a nom rupture.Tant pis.Nous n’attendrons pas l’aube.La lune pour nous n’aura pas divagué. Je vais te donner aujourd’huiCe qu’on n’a jamais vu au monde:Mon reflet sur l’eau, vers le soir,Quand le ruisseau n’a pas sommeil;Un regard qui n’a pas aidéL’étoile filante à trouverLe chemin qui ramène au ciel;L’écho de cette voix sans forceQui était fraîche cet été... Pour que tu puisses supporter d’entendreDans les datchas les médisances des corbeaux.Pour que les jours du mois d’octobreTe soient plus doux que la douceur de mai.Mon ange, souviens-toi de moi.Au moins, tant que n’est pas tombéeLa première neige,souviens-toi.Anna Akhmatova, La course du temps - Requiem / Poèmes sans héros et autres poèmes (coll. Poésie/Gallimard, 2007)
00:20 Écrit par Claude Amstutz dans Anna Akhmatova, Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
11/01/2012
Le poème de la semaine
Jean Cocteau
L'églantier est un piège.Un cruel errementDes guerres enfantines. Sade, marquis charmant,Voleur des églantines,Rougit sa main d'amant. Il signe sur la neige,Et sur la glace mentAvec un diamant. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
03:21 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
04/01/2012
Le poème de la semaine
Robert Desnos
Il était une feuille avec ses lignes Ligne de vie Ligne de chance Ligne de coeur Il était une branche au bout de la feuille Ligne fourchue signe de vie Signe de chance Signe de coeur Il était un arbre au bout de la branche Un arbre digne de vie Digne de chance Digne de coeur Coeur gravé, percé, transpercé, Un arbre que nul jamais ne vit.Il était des racines au bout de l'arbre Racines vignes de vie Vignes de chance Vignes de coeur Au bout des racines il était la terre La terre tout court La terre toute ronde La terre toute seule au travers du cielLa terre. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
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28/12/2011
Le poème de la semaine
J.G. Cecconi
Regarder le ciel ouvert, pressentir la menace des chaîneset dire non. Il faut qu'une voix demeuremême fluette, fragile,mais équitable pour tous,se réclamant du possible refus. Comme le temps qui passeentre les jointures des pierreset les portes des prisons,depuis longtemps le ferdurcit la peau. Malgré la surdité des hommes,telle une luciole perdue au creux de la nuit,que cette petite voix demeureet qu'elle n'oublie pasde dire non. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
00:36 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Littérature suisse, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
21/12/2011
Le poème de la semaine
Paul Eluard
La nuit n'est jamais complète Il y a toujours, puisque je le disPuisque je l'affirmeAu bout du chagrin Une fenêtre ouverte Une fenêtre éclairée Il y a toujours un rêve qui veille Désir à combler, faim à satisfaire Un coeur généreux Une main tendue, une main ouverte Des yeux attentifs Une vie, la vie à se partager.Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
06:08 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Paul Eluard, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |